Bridage et débridage : le gouvernement plonge la moto dans une incertitude nocive

Le monde de la moto est dans l’attente, l’incertitude voire pas loin de la colère : l’arrêté ministériel sur le retrofit 100 chevaux/ABS n’a toujours pas été publié, alors que le décret imposant les 47,5 chevaux après le permis A a failli l’être. Ce qui en met certains hors d’eux…

 

Et maintenant, la France invente le croisement des bridages ! De crainte d’envoyer « un signal négatif » en laissant toutes les motos circuler en puissance libre au 1er janvier 2016, le gouvernement français a lu et relu la directive européenne qui l’obligeait à supprimer l’exception des 100 chevaux et annoncé que celle-ci ne s’appliquait ni aux motos en circulation ni aux motos en vente qui n’étaient pas Euro4.

Résultat : dans le doute, les futurs acquéreurs reportent leur achat et les marques comme leurs concessionnaires attendent la publication d’un arrêté rédigé par le ministère de l’Écologie conditionnant la possibilité d’homologuer une moto de plus de 100 chevaux si elle est dotée d’un système de freinage anti-blocage système (ABS). Cet arrêté, que Motomag.com a publié, est en attente de signature depuis le mois d’octobre 2015…

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De son côté, au ministère de l’Intérieur, la Sécurité Routière voulait aller vite sur les trois mesures annoncées lors du comité interministériel du 2 octobre 2015 : l’obligation pour tout novice ayant obtenu le permis A de circuler pendant 2 ans sur une moto de moins de 35 kW (47,5 chevaux), puis de passer une formation de 7 heures pour accéder à une moto de puissance supérieure.

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Fin décembre, le décret était prêt, et il aurait été publié si la CSIAM et les syndicats représentant les écoles de conduite ne s’en étaient pas émus auprès du délégué SR du gouvernement, Emmanuel Barbe, comme auprès du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.

Le monde de la moto ne comprend pas que le gouvernement mette plus d’un an à régler le problème du retrofit 100 chevaux et seulement deux mois à instaurer un nouveau bridage… Y’a de quoi s’énerver !

Le 15 janvier à Paris se tenait une conférence de presse de la Chambre Syndicale Internationale de l’Automobile et du Motocycle (CSIAM), qui annonçait les résultats du marché français du 2/3 Roues Motorisé de l’année 2015. Ce fut l’occasion de demander aux représentants des principales marques de moto ce qu’ils pensaient de ces atermoiements réglementaires.

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« Retrofit imminent »
« Nous avons saisi directement les services du Premier Ministre lundi matin (le 11 janvier) sur le problème du retrofit 100 chevaux », déclarait Thierry Archambault, président-délégué de la CSIAM. « Un fonctionnaire nous a répondu : « la publication de l’arrêté est imminente ». On connaît le texte du règlement dans version définitive. Il n’y a pas de raison qu’il ne sorte pas ». Dix jours plus tard, il n’est toujours pas publié. Et c’est comme ça depuis octobre dernier !

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Thierry Archambault, président-délégué de la CSIAM, le 15 janvier à Paris.

Le président de la CSIAM, Eric de Seynes, commençait par répondre sobrement : « Cela relève de la décision politique ». Mais finissait par s’emporter : « On ne pourra pas comprendre qu’une mesure comme le retrofit, qui est à l’étude depuis des mois, soit doublée par la modification du permis A, sortie du chapeau il y a trois mois ».

Celui qui est aussi président de Yamaha Europe estime que « L’impact des 100 chevaux sur le marché est extrêmement compliqué à évaluer : la moto de plus de 73,6 kW s’inscrit dans une pratique de loisir. Ce segment vit de la qualité économique et de la qualité de consommation du pays. En dehors de cette catégorie, beaucoup ne se posent pas la question de différer ou non leur achat car la clientèle s’est assagie ».

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Érice de Seynes, président de la CSIAM, et Nathanaël Gagnaire, DG de la FFMC, le 15 janvier à Paris.

Guillaume Vuillardot, directeur commercial de Suzuki France, n’est pas du même avis : « Nous avons vendu 750 exemplaires de la GSX-S 1000, lancée à l’été 2015, mais une centaine de clients nous ont expliqué qu’ils attendaient la décision sur le débridage. 12 à 15 % des prévisions d’achat de ce modèle sont reportées à 2016. C’est considérable ».

Même son de cloche avec Eric Antunes, président de KTM France : « Nous assistons à un report de l’acte d’achat en attendant la décision du gouvernement sur le débridage. Quant au bridage pour le permis A, on pourrait se contenter d’étendre le permis A2 jusqu’à 30 ans ».

Patrick Marchal, DG de Kawasaki France, voit lui aussi des conséquences sur les ventes : « La majorité des marques ont été prudentes sur les stocks de machines de plus de 100 chevaux en concession. Mais le cumul des prudences impacte ce segment ».

Permis A à 47,5 chevaux : les avis sont partagés
« Ce changement de réglementation (le permis A à 47,5 chevaux) n’est pas anodin, commentait Thierry Archambault. Il aura un effet sur les ventes ».

« Notre position était de demander un délai de 3 ans pour que les constructeurs s’adaptent à cette mesure », précisait Éric de Seynes. Le gouvernement a reporté sa décision, mais on ne sait pour combien de temps.

Le DG de Triumph France, Jean-Luc Mars, se montrait lui en accord avec la Sécurité Routière :« L’accès progressif à la puissance semble assez logique. On ne peut que soutenir la philosophie générale d’une baisse de l’accidentalité ».

« Brutal »
On accordera la conclusion de ce débat au représentant des usagers, Nathanaël Gagnaire, délégué général de la FFMC : « On constate une volonté des pouvoirs publics de freiner l’accession à la moto. Nous comprenons la notion d’accès progressif à la puissance. En revanche, nous contestons le côté brutal de la modification du permis A. Une catégorie de consommateurs est visée mais ce n’est pas là-dessus qu’on gagnera des vies humaines ».

 

Article de  Nicolas Grumel – 20/01/2016 – Motomag

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